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Anne-Cécile : pourtant j'avais une excellente hygiène de vie

En guise d’introduction et afin de bien comprendre en quoi les symptômes que j'ai rencontrés ces trois dernières années sont inhabituels, je tiens à préciser que j’ai une excellente hygiène de vie. Cela me semble important, car la plupart des femmes qui témoignent évoquent le mépris avec lequel leur témoignage est accueilli, l'argument revenant invariablement étant qu'elles devaient avoir un fond dépressif antérieur.
Je ne fume pas, je fais du sport très régulièrement, je n’ai jamais pris d’antidépresseurs. Mère de deux garçons, divorcée en 2010, je suis épanouie dans mon travail et dans ma vie personnelle.
En temps normal, je suis dotée d’une énergie hors du commun, ce que pourront confirmer à la fois mes proches et mes collègues.
Professeur de cinéma dans un lycée, chargée de mission et formatrice, entre 2006 et 2022, je n’ai été arrêtée que trois jours en tout et pour tout.
Revenons maintenant sur les raisons qui m'ont amenée à choisir la pose des implants ESSURE.
Après un deuxième accouchement difficile, j'avais très mal réagi à la pose de deux types de stérilets différents, et je souhaitais interrompre la prise d’hormones, ayant pris la pilule de manière ininterrompue depuis l’âge de 16 ans. Du fait d'un handicap cognitif dépisté très tôt, l'accompagnement du développement de mon deuxième enfant avait mobilisé beaucoup de mon temps et de mon énergie. Mon couple n'allait pas très fort non plus. Ce contexte a très probablement dû avoir un impact psychologique non négligeable dans cette décision de stérilisation définitive.
Une amie, qui exerçait à l'époque dans mon établissement scolaire m'avait dit combien elle était satisfaite de ce dispositif indolore selon elle.
Je ne souhaitais plus avoir d’enfants, et la perspective d'une opération aussi rapide, sans anesthésie générale me semblait idéale. Je n'ai pas vraiment enquêté sur la nature des implants, ni sur leur composition, ni sur leur retrait.
Essure est un dispositif de contraception définitive, non réversible, reposant sur la pose d'un implant métallique, Essure ESS505, dans les trompes de Fallope, afin de déclencher la production d'une gaine naturelle par fibrose.
Aussi loin que je remonte, j'ai toujours eu des réactions allergiques à tous les bijoux en métaux non précieux, montres, bracelets, boucles d'oreilles, et ce depuis l'enfance. Ma peau rougit, j'ai des démangeaisons violentes et même des inflammations purulentes si j'ai le malheur de porter des boucles d'oreille de pacotille.
Personne ne m'a posé la question d'une éventuelle allergie aux métaux avant de me poser les implants.
La pose a été réalisée le 26 mai 2008, en chirurgie ambulatoire.
L'opération a effectivement été rapide, mais extrêmement douloureuse, sans anesthésie.
Dans les années qui ont suivi, j’ai eu de très nombreux épisodes de douleurs abdominales que j’ai mis sur le compte soit d’une sensibilité intestinale, soit d'une potentielle endométriose.
En 2017, le docteur L., auquel j’avais confié ces douleurs de fond, m’a fourni un modèle de courrier proposé par le collège national des gynécologues obstétriciens français à l’intention des patientes porteuses d’implants ESSURE et m'a invitée à rester vigilante si les symptômes persistaient.
N’ayant pas d'autres symptômes à cette époque en dehors de douleurs abdominales diffuses et récurrentes, je n’ai pas pensé qu'il était nécessaire de les faire retirer.
À partir de l’année 2019, les douleurs se sont nettement accentuées. Nuit et jour, j’avais l’impression d’avoir l’abdomen transpercé par un clou du côté droit. Ces douleurs m'empêchaient de dormir, d'avoir une vie sexuelle normale. Parfois, un simple effleurement dans le dos m'était insupportable. Mon compagnon a eu beaucoup de mérite, car ces trois années ont été bien difficiles !
Le docteur L. étant parti à la retraite, j’ai consulté un autre gynécologue, le docteur D.
Le 12 mars 2019, une radio de bassin de contrôle a montré que l’implant droit s’était très nettement déplacé.
En regardant ce cliché aujourd'hui, je constate que l'implant se trouvait précisément à l'endroit où je ressentais cette douleur permanente, contre le colon droit.
Cette année-là, j’ai été sujette à de violents maux de tête, tellement forts que je me suis rendue aux urgences. Ils ont mis la douleur sur le compte d'une névralgie d’Arnold, partant de l'œil et remontant du côté droit du crâne. Ils m'ont prescrit des antidouleurs et des anti-inflammatoires.
En plus des douleurs abdominales, je me suis mise à avoir une inflammation progressive de la hanche droite du côté où la sensation d'avoir un clou planté dans le ventre était la plus violente. J’ai ainsi eu une tendinite du côté droit de la hanche dans un premier temps, soignée par des ondes de choc, puis une chondropathie visible lors d’un arthroscanner de hanche passé le 29 mars 2021.
J’ai dû réaliser plusieurs infiltrations coûteuses pour pouvoir calmer un peu la douleur et l’inflammation.
En février 2020, j'ai perdu l'odorat, à la suite d'un deuxième épisode de COVID. Je ne l'ai jamais complètement recouvré, ce qui constitue un fort handicap. Je ne sens plus quand la cuisine brûle par exemple. Perdre un de ses sens n'est pas anodin, cela retire au monde une de ses dimensions importantes. Je sens à peine ma propre odeur ! Beaucoup des parfums qui contribuent au plaisir de vivre me parviennent désormais de manière complètement insipide et dénaturée.
Courant 2020, je suis entrée en ménopause, à l’âge de 46 ans, alors que toutes les femmes de ma famille l’ont été dix ans plus tard. Paradoxalement, alors que j’étais ménopausée, et que les analyses hormonales confirmaient ce diagnostic, je me suis mise à vivre plusieurs épisodes hémorragiques impromptus, après des rapports, ou sans raison claire, jusqu’en 2022. Ma libido s'est mise à décliner fortement en parallèle.
Le 28 avril 2021, la douleur abdominale étant permanente, j’ai passé une échographie pelvienne qui n’a pas permis d’identifier la cause, l’examen étant normal.
Durant l’été 2021, j’ai de nouveau été victime d’un épisode de céphalées très violent qui a nécessité le fait de consulter un ophtalmologue en urgence. J’ai de nouveau été calmée par des anti-inflammatoires et des antalgiques, le médecin diagnostiquant de nouveau une possible névralgie d’Arnold du côté droit.
En plus des épisodes de céphalées, des douleurs abdominales permanentes, de l’altération significative du sommeil, je me suis mise à ressentir des accès de fatigue totalement invalidants. Ces épisodes de fatigue se sont produits régulièrement en fin d’après midi avec des vertiges, une baisse de la vue et la sensation que j’allais m’évanouir.
Durant les années 2021 et 2022, mon médecin traitant m’a fait réaliser plusieurs prises de sang, pensant à une anémie. Mais les prises de sang étaient normales.
Le 15 mai 2021, le seul taux un peu bas était celui des leucocytes.
Entre janvier 2022 et juin 2022, j'ai perdu 5 kilos. La fatigue était particulièrement intense.
Sans explication, je me mettais à avoir simultanément des maux de ventre, de la diarrhée et des maux de tête tellement envahissants que ma pensée devenait alors confuse et que j'avais le plus grand mal à concentrer mon attention. La lecture des articles scientifiques, que je devais effectuer dans le cadre de mes missions, est devenue de plus en plus complexe. Alors que jusqu'à présent j'avais une bonne vue, lors de ces épisodes de céphalées, ma vue s'est mise à se troubler dans le même temps.
Après un épisode hémorragique plus violent que les précédents, qui avait complètement transpercé mon matelas, je suis retournée consulter mon gynécologue le 03 juin 2022.
Comme par les différents examens réalisés, nous avions écarté à peu près tous les autres diagnostics possibles, le docteur D a de nouveau évoqué la piste des implants ESSURE et m’a envoyée consulter le docteur LT à la clinique des * pour avoir son avis et pour voir s’il était possible de les retirer. Il m'a également prescrit une échographie pelvienne pour vérifier la position des implants, mais également s'assurer qu'il n'y avait pas d'autre cause possible.
Le 01 juillet 2022, alors que j'accompagnais mon fils à sa séance d'équitation, j'ai de nouveau été victime d'une crise violente combinant maux de ventre, maux de tête et confusion mentale brutale. Ma vue était altérée également.
Le service des fraudes de ma banque, la caisse d'épargne m'a appelée. Comme je venais de faire changer ma carte bancaire pour une suspicion de fraude sur internet la semaine qui précédait, je ne me suis pas méfiée. Un faux conseiller bancaire s'est connecté sur mon compte avec les informations piratées. Il m'a demandé de me connecter en parallèle et de valider l'annulation de différentes opérations frauduleuses. Du fait du trouble physique dans lequel je me trouvais, je n'ai pas été en mesure de faire preuve de discernement et j'ai validé des opérations qu'il réalisait sur mon compte, qui étaient en fait des ajouts de bénéficiaires et des virements, ce qui lui a permis de vider en 30 minutes toutes mes économies.
Malgré mes démarches ultérieures auprès de la banque, sans invoquer du tout la situation dans laquelle je me trouvais au moment de l'appel, une partie des sommes ne m'a pas toujours pas été remboursée, pour un montant de 14 000 €
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Le 10 juillet 2022, j'ai rencontré le docteur L. à la clinique des *. Il m’a expliqué que pour retirer les implants, une hystérectomie allait être nécessaire, avec une salpingectomie bilatérale. J’ai été sidérée par la gravité du geste opératoire nécessaire et dans un premier temps, j’ai voulu voir s’il existait une alternative. Il m’a prescrit plusieurs examens et proposé d’arrêter la prise d’hormones pour voir si les saignements et les douleurs s’arrêtaient.
J'ai laissé passer l'été, durant lequel j'ai été sujette à des suées nocturnes sans précédent. Je me réveillais trempée plusieurs fois par nuit. Même sans traitement hormonal par le passé, je n'avais jamais vécu des suées nocturnes d'une telle ampleur.
Pendant l'été, j'ai été victime à plusieurs reprises d'épisodes de céphalées combinant maux de ventre et baisse de la vue.
Le 30 août 2022, j’ai réalisé une échographie pelvienne et une radio du bassin. L’implant droit n’étant pas nettement visible, un scanner a été réalisé en complément.
Les examens ont montré que les deux implants avaient migré, le droit "dans la portion ampullaire", c'est-à-dire en partie à l'intérieur de l'utérus, le gauche dans la portion" interstielle et infudibulaire", c'est-à-dire à l'extrémité de la trompe.
La piste de l’endométriose profonde a en revanche été écartée par cet examen.
Le 31 août 2022, j’ai décidé de réaliser un signalement de matériovigilance à l’ANSM.
J’ai également pris contact avec l’association RESIST pour avoir de l’aide quant à la décision difficile de l’hystérectomie. Le 1er septembre, j’ai décidé de prendre une adhésion, et j'ai été enregistrée sous le numéro** 4057, **ce qui correspond probablement au nombre de femmes qui ont rejoint RESIST à cette date.
Cette adhésion m’a permis de rentrer en contact avec plusieurs femmes qui ont subi cette intervention et de pouvoir échanger sur les différents désagréments rencontrés.
J’ai ainsi découvert que les symptômes dont je souffrais sont partagés par un grand nombre de femmes qui se plaignent des effets indésirables des implants.
L'accompagnement sans faille par les bénévoles de cette association, qui ont régulièrement répondu à mes courriels, avec lesquels j'ai pu avoir des échanges téléphoniques, a constitué un soutien moral absolument indispensable pour tenir bon, pour se sentir moins seule et pour effectuer les bons choix.
C'est sur leurs conseils que j’ai fait effectuer une recherche d’intoxication aux métaux lourds.
Le 09 septembre 2022, j’ai réalisé un prélèvement de cheveux que j’ai envoyé au laboratoire ToxSeek.
Les résultats partiels me sont parvenus le 04 octobre 2022, accompagnés d’un mail d’explication dont voici un extrait : « Après observation des premiers résultats d’analyses dans le cadre de l’étude Research-DMI, il apparaît que plus de 70% des résultats présentent un profil d’intoxication chronique par les métaux positifs (présence de 2 à 21 métaux dans les classifications métaux lourds, potentiellement toxiques et/ou terres rares). Ces profils d’intoxication différents en fonction de plusieurs critères (implantation/explantation, symptomatologie…). Ces profils pourront attester d’une intoxication chronique ou d’une hypersensibilité aux métaux.»
D’après cette étude, quatre métaux se trouvent en quantité importante dans mon organisme et pourraient participer à une perturbation endocrinienne : l’argent, le tellure, le mercure et l’étain.
En poursuivant mes recherches sur la composition des implants, j'ai découvert que les soudures étaient composées d'un alliage d'argent et d'étain, les deux métaux qui se trouvaient en quantité préoccupante dans mon échantillon de cheveux. En raison de la migration des deux implants, une "corrosion galvanique" pourrait parfaitement s'être produite, provoquant les symptômes en cascade, à partir du moment où les métaux se sont dispersés dans mes organes et dans mon corps.
Ana Maria Trunfio Sfarghiu, chargée de recherche CNRS au laboratoire LaMCoS précise d'ailleurs que l'organoétain est un neurotoxique qui se retrouve dans le cerveau des femmes implantées se plaignant d'effets indésirables variés. (voir le site)
Comme l’arrêt des hormones n’a rien changé aux douleurs, à la fatigue chronique et aux épisodes de saignements, et en craignant que je puisse moi aussi être victime d’une intoxication à l’organoétain, j’ai décidé de réaliser l’opération proposée par le docteur L.
Le dernier mois d'attente m'a semblé interminable.
Les suées nocturnes ont pris des proportions invraisemblables. Plusieurs fois par nuit, je me réveillais complètement trempée de sueur, au niveau de la poitrine et dans le dos.
Les dernières semaines, les vertiges ont augmenté en intensité. Un jour j'ai été prise de nausées au lycée en descendant les escaliers après avoir échangé avec une amie qui fumait une cigarette. Je suis rentrée chez moi tant bien que mal et arrivée à la maison, j'ai vomi.
Le 09 novembre 2002, j’ai enfin pu avoir recours à une hystérectomie subtotale avec salpingectomie bilatérale par cœlioscopie, assortie d'un arrêt de travail d'un mois et de deux mois d'arrêt de sport.
Cette intervention, ainsi que les nombreux examens réalisés au cours des deux dernières années, ont occasionné des frais importants.
Par exemple, les dépassements d'honoraires de mon chirurgien s'élevaient à 1000 €, ceux de l'anesthésiste après négociation à 250 €. Manque de chance, je suis professeur et ma mutuelle, la MGEN, rembourse très mal les dépassements d'honoraires. J'aurais pu tenter de trouver un autre chirurgien, mais il m'avait été recommandé par mon gynécologue et par plusieurs autres victimes.
En effet, l'opération s'est très bien déroulée, même si elle reste lourde de conséquences sur le plan moral. Ce n'est pas pour rien que certaines victimes la considèrent comme une véritable mutilation.
Pour celles qui hésitent, voici ce que je peux dire pour les rassurer malgré tout.
La douleur est vive pendant quelques jours. Les mouvements sont difficiles, il faut se faire aider. La fatigue est importante. J'ai l'impression de me traîner encore quinze jours après, et le mois d'arrêt ne sera pas de trop.
Par contre, en ce qui me concerne, il y a eu un petit miracle. La douleur principale, cette sensation permanente d’avoir un clou qui me transperçait l’abdomen a totalement disparu alors que je la ressentais jour et nuit depuis trois ans.
Les suées nocturnes qui étaient apparues depuis un mois et dont je me réveillais hagarde et trempée se sont également dissipées du jour au lendemain.
J'ai également la sensation étrange d'un voile qui aurait été enlevé au niveau du crâne. Mes maux de tête ont cessé, ma vue ne devient plus floue quand je consulte mon téléphone.
Mon calvaire de trois ans au moins serait peut-être terminé ?
J’ignore aujourd’hui si tous les symptômes vont disparaître ainsi. Qu'en sera-t-il de l’intoxication à l'organoétain et des différents organes dans lesquels les métaux lourds se sont répandus ?
J'ai écrit au service de protection juridique de la MAIF qui m'a engagée à porter cette situation devant la justice.
Or, lorsque j'ai contacté le cabinet d@nte-avocats, qui soutient les victimes des implants ESSURE, j'ai eu la surprise d'apprendre que mon dossier allait être mis en attente.
Figurez-vous qu'actuellement, les experts de Bayer sont parvenus à établir une absence totale de lien entre les implants et les symptômes vécus par les victimes.
Les preuves ne seraient pas suffisantes !
Les centaines de femmes qui relatent invariablement des récits similaires ne sont ainsi pas prises au sérieux.
Alors, ne nous décourageons pas, montrons-leur au contraire que nous sommes chaque jour un peu plus nombreuses à faire entendre notre voix pour faire reconnaître nos préjudices et faire plier cette odieuse entreprise.