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Anne-Sophie : "vous êtes allergique au nickel"

J’écris ce témoignage de la salle d’attente du service de Neurologie de la Salpêtrière où j’ai été hospitalisée plusieurs semaines en juillet 2014, sale souvenir, j’aurais aimé ne pas avoir à y revenir. Il faut dire que ma vie a méchamment déparée cet été-là.

 

Chronologie :

 

Septembre 2012 : consultation avec ma gynéco à laquelle je dis vouloir me faire poser des ESSURE, une amie m’en ayant parlé comme d’une opération facile et sans anesthésie. J’ai 48 ans mais la ménopause n’arrive toujours pas, je ne supporte plus aucune contraception et j’ai un passé lourd de complications lors des grossesses et fausses couches, problèmes d’hyper tensions, pré-éclampsie, j’ai juste failli mourir deux fois et fait deux fausses-couches à cause de ça. Après une période seule, j’ai rencontré un homme formidable et j’ai besoin de me sentir en sécurité sur les risques de grossesse. En fait, je suis tellement amoureuse que j’adorerais avoir un enfant avec lui mais que ce serait beaucoup trop dangereux pour moi (et trop tard dans nos vies). Pour des raisons de santé, lui ne pourrait pas avoir une anesthésie pour que ce soit lui qui soit stérilisé donc… Dernière justification, une de mes tantes a accouché à 50 ans. Pourquoi je ressens le besoin de me justifier ainsi sur ma demande de stérilisation à un âge avancé ? Parce que j’ai été beaucoup attaquée sur ce choix comme si j’étais responsable d’avoir choisi une opération à risque. Non je n’ai pas choisi de courir un risque particulier (toujours cette balance bénéfices-risques avancée par les médecins sur la défensive), une amie m’a conseillé une pose d’ESSURE comme étant un moyen facile, simple et très efficace sans aucun effet secondaire et sans anesthésie générale. La consultation avec ma gynéco se passe sans aucune mise en garde sur des risques particuliers. Je prends rendez-vous avec le chirurgien.

 

7 décembre 2012 – rendez-vous avec le chirurgien, aucune mise en garde particulière. Je lui pose des questions sur les risques – il ne mentionne que des risques classiques liées à l’anesthésie générale ou des risques immédiats de mauvais positionnement donc des douleurs possibles dans les jours qui suivent, dans ce cas je devrais revenir immédiatement. Je m’étonne, pourquoi une anesthésie générale alors que mon amie a eu sa pose sans même une anesthésie locale ? Il parle de sécurité si je me souviens bien, de confort, je me demande aujourd’hui si le confort n’est pas pour lui – plus simple de gérer quelqu’un d’inconscient ? Enveloppe pour l’anesthésiste ? Aucune information sur un risque lié à une allergie au nickel or j’ai réagi par de l’eczéma à des bijoux en toc donc j’ai déjà identifié ce risque. Aucune information sur un risque éventuel en cas de maladie auto-immune or j’ai enterré mon meilleur ami d’une sclérose en plaque quelques années auparavant. Je n’aurais jamais fait cette opération avec une seule de ces deux mises en garde.

 

14 décembre 2012 – pose des ESSURE sous anesthésie générale ! soit deux mois et demi (et ça a bien été souligné par ma gynéco) après la demande auprès de ma gynéco au cours de laquelle je n’ai reçu aucune information particulière en dehors du fait que c’était totalement anodin et moins de 15 jours après la consultation avec le chirurgien qui m’a dit qu’il fallait normalement attendre trois mois mais que après tout, j’avais bien réfléchi ( ???). Au principe d’une stérilisation oui bien sûr, une réflexion sur les risques encourus, en aucune façon puisque je n’avais pas eu les éléments qui m’auraient permis d’avoir cette réflexion.

 

2013

  • Très rapidement après la pose : hémorragies effroyables comme je n’en ai jamais connu et qui durent 15 jours par mois– je mets ça sur le compte de la préménopause (enfin !) et je ne m’inquiète pas. La fatigue commence à s’installer, j’ai de grands moments dans la journée ou je me mets à bailler sans pouvoir me contrôler. J’ai très souvent envie d’une sieste. 
  • J’ai déjà un passé d’allergies respiratoires (signalé à ma gynéco, au chirurgien et à l’anesthésiste puisque j’ai fait un choc à de la morphine lors d’une anesthésie générale 10 ans avant). En 2013 mes allergies s’aggravent, asthme au point que je ne peux plus garder mon chat. Je suis sous double traitement antihistaminique plus ventoline en permanence. Je n’ai jamais été allergique aux poils de chat mais là, ça devient intenable. Après le départ de mon chat (très grande tristesse) mon asthme se calme.
  • Par contre de plus en plus d’allergies alimentaires. Je mange un plat industriel (le dernier de ma vie !) et je fais un choc allergique. Les pompiers me récupèrent tombée devant la porte de mon immeuble, direction les urgences.
  • De temps en temps des vertiges démarrent auquel je ne fais pas attention.

 

2014

  • Une grande fatigue s’installe, je m’excuse auprès des gens que je reçois en consultations (hypnothérapeute), je baille régulièrement. Vers le printemps, je ne peux plus m’empêcher de me coucher, dès que je le peux entre deux rendez-vous. Je commence à identifier que j’ai une fatigue vraiment anormale contre laquelle les vitamines ne peuvent rien et je me dis que je devrais consulter. Mais je suis en libérale et je n’ai pas de temps à perdre avec des petits bobos.
  •  Dans le courant de l’hiver, démarrent des problèmes neurologiques que je n’identifie pas. Je me mets à marcher « comme un culbuto » de temps en temps, c’est bizarre mais ce n’est pas pour autant que je vais regarder mon nombril, je continue comme avant.

Mois de mai 2014, des vertiges de plus en plus fréquents. Je pense à des problèmes d’oreilles internes. J’attends. Quand je reçois les gens, discrètement je me tiens au mur ou à un bureau pour ne rien montrer.

 

Juin 2014. De plus en plus difficile de cacher que je ne tiens plus debout. J’hésite même à sortir, je consulte un ORL, traitement de Tang@nil contre les vertiges qui du coup s’aggravent au point qu’un jour je tombe dans la rue. Je suis à 100 mètres de chez moi et je suis obligé d’arrêter une voiture pour me ramener. Cette fois mon médecin me met sous perfusion de Tang@nil. Là, ça empire tellement qu’elle m’envoie aux urgences au bout de trois jours.

 

Début Juillet 2014 : une semaine à l’hôpital. J’arrive un jour de canicule et il me faut trois couvertures pour commencer à arrêter de trembler de froid ! Tout le monde est très gentil, on me regarde bizarrement en ne sachant pas s’il faut me prendre au sérieux ou pas. Une infirmière débarque un jour dans la chambre en me demandant si j’ai vu le psychiatre. Je suis étonnée tout en lui disant que je n’ai aucun tabou avec ça, s’ils pensent que c’est psy, je veux bien le voir moi, leur psychiatre. Tout ce que je veux c’est reprendre ma vie ! Examens, IRM. Un soir, plus aucun vertige, je galope dans les couloirs, toute heureuse, deux heures après je recommence à m’agripper aux murs tellement ça tourne. Quand je parle de vertiges, ce n’est pas la tête qui tourne un peu, c’est être sur un grand-huit 24 heures sur 24, c’est vomir tellement ça donne la nausée, c’est être réveillée en pleine nuit tellement ça tourne même en rêve ! Fin de la semaine, une neurologue de la Salpêtrière débarque avec mon dossier IRM et m’annonce que je n’ai rien. Rien ? Elle est gentille la dame, mais je ne peux pas tenir debout, je ne peux pas marcher trois mètres sans me tenir à un mur. Puis elle regarde de nouveau mon IRM et dit que finalement, j’ai une petite plaque au cerveau donc j’ai une sclérose en plaque dans le meilleur des cas. Comme c’est le weekend du 14 juillet, je rentre chez moi trois jours avant d’être hospitalisé 2 ou 3 semaines à la salpé.

 

Fin juillet 2014, plein d’examens, de médecins sceptiques qui me regardent de temps en temps comme si je délirais. J’ai maintenant des fourmis dans les jambes et le bras gauche, des troubles de la vision et des oreilles qui partent et qui reviennent, une fatigue qui fait que je ne me lève pas du lit et toujours impossible de marcher plus de dix mètres. Ils me ratent 3 fois de suite la ponction lombaire (youpee vive l’autohypnose contre la douleur) et me donne un traitement en perfusion de corticoïdes. Quand je sors, un jeune neurologue me dit avec un grand sourire « dans trois jours vous travaillez ! ». Moi je me demande comment je vais réussir à gérer ma vie dans un tel état, sans argent qui rentre et sans tenir debout. Je parle de fauteuil roulant mais il me répond que « non, sinon vous ne marcherez plus du tout », ben… comment dire… je n’ai pas vraiment l’impression d’arriver à marcher là !

 

Depuis l’automne 2014, je n’ai pas pu retravailler, j’ai été mise en invalidité rapidement et aux minimas sociaux. Mon état n’a répondu à aucun traitement de la sclérose en plaque. Les symptômes vont et viennent avec une stabilisation très moyenne. Douleurs énormes et qui reviennent sans cesse dans la nuque. Pour la marche j’ai tenu le coup huit mois avec une canne en marchant sur des petites distances, en longeant les murs, en appelant à l’aide régulièrement dans la rue ou dans des magasins (il faut bien continuer à manger et mon ami habite loin). Je suis tombée plusieurs fois et j’ai fini par prendre un fauteuil roulant électrique en juillet 2015, ça m’a permis de retrouver de l’autonomie.

 

Juin 2016 : Une amie me parle des complications liées à ESSURE, jamais entendu parler, je commence des recherches. Ah bon, je ne suis pas la seule ? Je découvre alors à quel point le combat n’est pas fini. Il faut déjà trouver un médecin qui accepte d’envisager cette hypothèse et il faut en plus qu’il soit accessible en fauteuil roulant. J’en rencontre 5 avant d’être entendue ! Ma gynéco est d’abord atterrée puis devient agressive, après tout c’est moi qui aies demandé à être opérée ! Ok, il me faut une nouvelle gynéco aussi. Depuis elle n’a jamais pris de nouvelles d’ailleurs alors qu’elle me suit depuis plus de quinze ans !

 

Novembre 2016 : longue recherche d’un allergologue, nouvelles péripéties, puis enfin diagnostic « vous êtes allergique au nickel », je le savais, il n’y avait qu’à me le demander. Radio qui montre que les ESSURE sont toujours dans les trompes, l’échographie ne montre rien. Maintenant recherche d’un chirurgien qui accepte de m’enlever les trompes et uniquement les trompes de préférence… encore un combat qui n’est pas encore gagné, même si je suis maintenant soutenue par un super généraliste et un super neurologue qui vient de me faire une déclaration d’accident à l’ANSM et un courrier pour un chirurgien pour demander qu’on m’enlève les implants rapidement. Je ne sais pas quand ça pourra se faire, ni si mon état pourra s’améliorer mais s’il ne s’aggrave pas, ça sera déjà une victoire.