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Doris : tous les contraceptifs étaient problématiques

Témoignage de Doris
(août 2019)

Je ne me suis jamais laissé le temps d'écrire mon témoignage….

Je vais le faire aujourd'hui, il est temps.

Un été, j'ai fini par tout arrêter. Plus de pilule, pas de stérilet, ça avait été à chaque fois désastreux, pas d'anneau contraceptif (idem au bout de 24h), bref tout. Ça faisait 5 ans que je galère, entre divers problématiques et que je voyais bien que mon corps n'aimait pas ce que je devais prendre.

J'ai passé 2 bonnes années à me sentir bien,à ne plus être fatiguée, irritable, énervée, en bonne santé, plus de douleurs, plus de mycoses, rien… Ouf !

 

Mais … on a fait attention pourtant… et puis, 5 ans avant, on m'avait dit en me donnant une mini dosée « à votre âge, ça ira bien »… j'avais 40 ans.

 

Et là, entre le noël et le jour de l'an, à 45 ans, le test de grossesse m'a appris que si je me sentais si mal depuis 3 semaines, si patraque… c'était parce que quelque chose de très important se passait. 

 

À ce moment-là de mon histoire, ma cadette à 11 ans et mon aîné 16 ans. Mon chéri est au chômage depuis peu. Je ne me suis pas dit « Yes ! » en voyant le résultat. Mais  « oups ».

 

Aussi lorsque nous avons décidé entre époux de prendre la décision, on a pesé le pour et le contre, et c'est le contre qui la emporté. Je ne pouvais pas mettre en péril ma vie professionnelle et ma santé et prendre le risque en plus que dans quelques mois, on me dise qu'il pouvait y avoir un problème pour cet enfant. Ça fait mal de l'écrire. D'écrire qu'il s'agit d'un enfant. Une personne m'a dit « ce n'est qu'un amas de cellules pour l'instant… ». Et je m'y suis accrochée à cette phrase. Je n'aime pas être la méchante, celle qui abandonne quelqu'un derrière elle. Mais là je ne me sentais pas de taille, ni la force et l'énergie pour mener à bien cette aventure imprévue. 

 

Des fois, je me dis que la vie m'a rattrapé… ce que je n'ai pas cru pouvoir mener à bien, il a fallu que je l'affronte plus tard… mais qui sait ce qu'il se serait passé ? Parce que mon problème de contraception n'a pas été résolu pour autant par la suite... 

 

Commence alors le dur parcours pour rencontrer des professionnels de santé pour avoir droit à une IVG. Je défie quiconque de venir me dire qu'il y a des IVG de complaisance. Ce n'est jamais facile d'affronter ça. Et si vous rencontrez des personnes sympathiques et compatissantes, ça permet de surmonter un peu tout cela. Ça a été mon cas, heureusement ! Sauf que, je ne savais que les anesthésies locales ne marchaient pas pour moi. En plus de la « honte », de la peine engendrée par cette décision réfléchie, mais difficile… j'ai eu droit à la douleur qui va avec. 

J'ai même eu droit à 1 mois et demi plus tard à un départ de chez moi en fanfare avec les pompiers pour une hémorragie. Le contrôle bâclé de L’IVG 3 semaines après l'intervention n'a pas permis de voir que si j'avais si mal au ventre et aux jambes… c'est parce qu'il restait du placenta. Deuxième curetage. Fin de l'expérience traumatisante. 

 

Enfin c'est ce que je croyais. Je pensais que suite à cela, et à ma prise de rendez-vous chez un spécialiste pour trouver une solution de contraception à long terme je serais enfin à l'abri. J'ai eu la pose des Essures le vendredi 5 juin 2015. Contrairement à ce pourquoi j'avais choisi cette méthode car on m'avait décrit comme facile à vivre… je n'ai pas pu reprendre mon travail le lundi suivant. J'ai été en arrêt pendant 1 mois, et la seule personne qui a pu me soulager un peu, c'était l'ostéopathe. Ni les cachets, ni la visite en urgence chez le médecin ayant effectué la pose, rien ne me soulageait, de ces douleurs irradiants dans les jambes, et de cette fatigue incommensurable.

Au bout de 2 séances d'ostéopathie, j'ai pu reprendre mon travail. 

 

Les mois qui ont suivi ont été très toniques, vu que ma mère a eue un gros souci de santé, et qu'il m'a fallu faire énormément d'allers et retours entre chez elle, chez nous et là où elle était hospitalisée, tout ça en préparant un déménagement à 800 km de là. Donc à chaque fois que j'étais anxieuse, j'avais une bonne raison. À chaque fois que j'étais fatiguée, j'avais une bonne raison… dans ces cas-là on se dit toujours « ça ira mieux demain »… quand j'aurais fini mon tri, quand les enfants seront disponibles, quand j'aurais repris le sport, quand j'aurais commencé les cartons, bref… ça devait toujours aller mieux mais plus tard. Et entre deux séances d'ostéopathie quand même… environ une fois tous les 2 mois. 

Le déménagement fait, le soufflé est retombé. Normal d'être fatiguée lorsqu'on aménage une maison en travaux. Mais c'était toujours présent. Stress ? Stressée de quoi ? Enfin j'ai mené à bien un projet sur 5 ans… je suis où je voulais être avec mes enfants, ils vont bien, et avec mon chéri, tout va bien… donc no stress. Progressivement pourtant mon état se dégrade, toujours plus de fatigue, toujours plus de douleurs, toujours plus de plein de petits soucis qui partent dans tous les sens. 

 

Le 9 Décembre 2016, je suis devant la télé. Elle me regarde plus que moi je la regarde. Elle est restée allumée en fait, parce que ma fille la regardait, et qu'elle est sortie de table en la laissant branchée. Je suis là, je dois débarrasser la table, faire la vaisselle… mais plus tard, plus tard quand je serais moins fatiguée… là je pique du nez, je vais m’asseoir courageusement dans le fauteuil. J'ai entendu qu'un sujet parlait d'implants mais je n'ai pas compris de quoi il s'agissait c'est le fouillis dans ma tête ou le brouillard…

Puis le sujet commence, j'entends « placés dans les trompes » et là je comprends. Je vois 2 femmes, une se déplace avec une canne, l'autre est douce, ça se voit à son expression, elle semble souriante malgré tout. Et ce que j'entends me parle ! J'ai l'impression que c'est moi dont il s'agit. Les larmes coulent toutes seules. Ma fille arrive, pour que je l'emmène en cours, alors j'essuie mes pleurs discrètement, mais je retiens le nom Resist.

 

Jours difficiles ensuite. Préparer le Noël, le Jour de l'An, les anniversaires… avec pendant ce temps en sourdine dans ma tête « ok, c'est pas top, mais au moins, je n'étais pas entrain de devenir folle »…. Il faut dire que ma mère qui avait une sacrée dépendance aux anti-dépresseurs s'est plainte toute sa vie de douleurs diverses et variées, et de la plupart des gens de son entourage… qu'elle avait un beau jour un délire de persécution… l'a écrit… je l'ai lu… c'est assez effrayant… et que depuis elle est déconnectée en partie du monde réel… donc, pourquoi pas moi ? Vu que ma mère n'a pour ainsi dire pas toute sa tête…

 

A chaque fois que je vais sur le site Resist-France.org ce que je lis me fait peur et à la fois me rassure : je lis mes mots, mes sensations… Seul bémol… pour en finir avec tout ça, il faut être opérée.

Or, rien que l'idée me révulse. À un moment, je mets ma phobie de côté et j'accepte, décidée à en finir avec cet état de léthargie quasi permanente et douloureuse… et pars à la recherche, armée de mon adhésion, du nom du chirurgien qui pourra me sauver de là…

 

Je n'ai pour ainsi dire pas galéré, en comparaison avec certaines. J'ai vu 3 gynécologues, la 3e était la bonne. Je m'estime chanceuse. C'est une femme respectueuse de ses engagements, de ses patientes, du bien être des personnes qu'elle croise, passionnée par son travail, compétente. Pour autant, je sais que je ne suis pas à l'abri que les implants aient cassés avant d'être extraits. Car je ne les ai pas vus, donc je ne sais pas. Je sais juste qu'ils sont présents sur une radio, à l'exacte place où ils étaient 15 jours puis 3 mois après la pose… et que début mai, ils n'y sont plus.

 

Il y a des risques de casses avérées lors du retrait. Soit que les implants ne soient pas là où le médecin pensait qu'ils seraient, soit par un geste pas avisé (il ne faut pas casser, pas couper, pas tirer), soit ils sont fragilisés, soit même ils ont été cassés lors de la pose… tout ceci est la réalité. Je fais avec. Je sais que je vais mieux, que mon état n'a rien à voir avec l'état dans lequel j'étais. Mais…

 

Tout de suite après l'opération… je suis super mal. Mal physiquement, à cause des gaz de la cœlioscopie, à cause du stress qui faisait que j’étais tout contractée, à cause de la mémoire de la douleur, et parce qu'il faut du temps à nos organes pour retrouver leur place. Mal moralement parce que si je croyais avoir accepté pleinement l'opération, je me suis trompée. Je ne supportais plus l'idée d'avoir à être piquée ou prélevée. Ça se passait bien avec ma généraliste et la chirurgienne qui m'a opérée, mais c'était tout. Pendant un moment, à chaque fois que je devais affronter un autre membre du corps médical, c'était stress, voir pleurs suivant la façon d'être de la personne. Paradoxalement, je me sentais vraiment bien. Il y avait quelques petites douleurs, mais elles se sont estompées. Ça m'a fait sourire au départ de voir que je pelais d'un peu de partout, mais quand ça s'est installé, j'ai trouvé ça moins drôle. J'ai été donc un temps dans un état d'euphorie, de bien être, qui était très agréable. J'avais des coups de fatigue parfois, mais un pep's, une énergie retrouvée, ce qui m'a fait beaucoup de bien… bien sûr, cela ne dure pas. À un moment donné, il faut revenir dans le quotidien, le train-train de la vie « normale ».

Dès que j'ai repris le travail, le rythme a changé, et c'est là que j'ai constaté à quel point j'étais fragilisée. J'ai d'abord été malade quasi tout le 1er mois. Rien de grave, mais ça traînait, j'étais d'autant plus fatiguée. Après j'ai compris que l'ensemble de ma flore ne se remettait pas. Ma peau s'effrite par endroits, est asséchée par d'autres… lorsque j'ai fini par consulter la personne ne savait rien sur les métaux lourds, mais a diagnostiqué une dermatite séborrhéique. Ça va donc mieux, mais on a rien trouvé pour soulager mes yeux pour l'instant. Ils sont souvent gonflés, et je ne supporte quasi plus aucun maquillage. Ça c'est le constat pour la flore externe et pour ce qui est de l'interne, je fais des cures depuis des mois, un coup pour la flore vaginale, un coup pour la flore intestinale. Et je stresse. C'est un état latent. Je me décourage moi-même. Je me dis que c'est paradoxal d'avoir pu trouver comment échapper au pire… parce que je ne sais pas dans quel état je serais si je n'avais pas été opérée… et donc, je suis en vie, youpi ! Et en même temps, tout me fait peur, tout le temps. C'est fatiguant, exténuant. J'ai l'impression de vivre sur des montagnes russes.

 

Il y un autre aspect aussi, dont on parle peu. C'est les changements dans nos vies. Au début on ne sait pas ce qu'on a, alors il est difficile d'en parler, alors on préfère ne pas parler. Du coup, c'est super facile de s'isoler. J'ai eu la chance de garder le contact avec les amies qui m'ont écoutée et entendue à cette période. Par contre, des fois on a des surprises : on en parle et on dérange. Super ! J'ai fait le tri. Non pas que j'en veux à ces personnes. Mais pour me protéger. C'est l'instinct de survie ça. J'avais besoin non pas d'en parler à tout bout de champ, mais de ne pas être en contact avec des personnes qui pourraient me renvoyer une image négative de moi. Et puis voir la vie fun et légère des autres qui vont bien et bien ça va à petite dose pour le moral. Quand on se sent mal… c'est tellement culpabilisant. Surtout quand après on sait. On se dit qu'on aurait pu éviter de se retrouver là. Mais quelle idée aussi, quand on a le choix, d'avoir choisi cette option-là ? Hein ? Pourquoi ne pas m’être mieux renseigner ? Pourquoi ne pas avoir posé plus de questions ? Bon, ok, je n'ai rien trouvé sur le net à l'époque… mais pourquoi est-ce que j'ai fini par vouloir croire un médecin qui à la base ne m'inspirait pas confiance ? Pourquoi est-ce que je n'ai pas pris le temps de prendre un 2ème avis… et puis… c'est ma décision, et maintenant, les répercussions sont pour toute la famille… on se sent incomprise, désorientée, perdue… c'est une grosse remise en question de soi, de qui on est, de nos convictions, de nos attentes sur la vie, de qui on veut être… de ce qu'on attend des autres, de notre regard sur le monde. On s'en veut, mais on en veut aux autres aussi. Ceux qui vont bien, ceux qui ne nous écoutent pas, ceux qui n'entendent pas les mots qu'on n’arrive pas à dire, ceux qui banalisent ce qui nous arrive, ceux qui ne nous croient pas

 

Je me suis beaucoup isolée et je continue à le faire. Peut-être que des gens que j'ai perdu en cours de route reviendront dans ma vie plus tard ? Peut-être pas ? Certains sont partis de leur propre chef, des fois que je sois contagieuse ? D'autres je les ai laissés m'échapper petit à petit. Je supporte beaucoup mieux les inconnu(e)s maintenant. C'est plus facile : ils ne m'ont pas connue avant. Alors c'est facile d'être aimable et souriante. Y a des personnes qui me manquent, mais leur parler ça sera revenir sur ce qui s'est passé, sur ce qui se passe encore, et je ne m'en sens pas le courage pour l'instant. Je me dis que ce qui survivra à tout ça, ça sera le meilleur.

 

Au milieu de tout ce fracas, j'ai fait de belles rencontres. Je ne les attendais pas. Elles me sont venues sans prévenir. Et j'apprécie vraiment, comme si la vie me faisait des cadeaux.

 

Je suis quelqu’un de positif même si j'ai des coups de blues parfois. J'essaye de voir le meilleur dans chaque situation, même si des fois la pilule est un peu dure à avaler. Alors je sais que je ne suis pas dépressive. Juste dans le constat. Je constate que je ne vais pas encore assez bien pour me sentir complètement sortie d'affaire. Et j'ai identifié les problèmes, j'essaye d'agir pour les contrer. Juste des fois, je n'ai pas l'énergie. Mais ça va revenir, petit à petit. Je trouve le temps long, mais il faut dire qu'à la base, je ne suis pas très patiente. Ça au moins, ça n'a pas changé ! :-)